Depuis que je suis dans le Sud, et surtout depuis quelques semaines, je ne taris pas de descriptifs sur le bon temps qui passe paisiblement, dans une moiteur toute méditerranéenne, à Marseille.
Cela dit, après quelques mois de vie dans cette ville, une madeleine de Proust au goût du fiel m'a été servie hier. En effet, j'ai retrouvé une tension, une violence généralisée que je n'avais
pas ressenti depuis ma pré-adolescence.
Sans partir dans le « quand j'avais 5 ans... », il faut savoir que j'ai grandi dans une petite campagne en Normandie où ma vie ressemblait à « La Guerre des Boutons ». J'étais
le genre de mômes qui ne se déplaçait qu'avec 5 ou 6 autres lascars, toujours à l'affût d'une connerie.
Mais quand je dis connerie, entendons-nous bien, ici point de car-jacking à l'AK-47. C'était plutôt, chourrer une dizaine de pommes à l'arbre en se faisant un coup de cascade pour monter et
descendre. Ça finissait souvent en branche qui craque, ben qui se déchire, main qui claque et joue qui rougie.
Et puis un jour - je ne sais plus qui - m'a dit, fini la déconnade et la vie joyeuse du Petit Nicolas. Zhou, tu prends tes clics et tes clacs et tu deviens collégien dans une ville assimilable à
un Bronx à la française …
Je passais des ti papillons vivant au rythme des éclaircies normandes (entre deux averses) aux bastons aux couteaux, à la drogue, au vol et à la méfiance du prochain. Suivant le modèle de cette
vie sociale, je devenais une proie. Ben oui, moi on m'avait dit qu'il fallait être gentil avec les autres ...
Ma carrure (déjà à l'époque, j'étais un croisement entre une ablette et une limande) n'était pas un atout. Il me fallu donc trouver autre chose…
J'appris la méfiance, l'anticipation et surtout la tchatche qui font que le poing, y va pas dans ta gueule, mais plutôt nulle part, ou encore mieux, dans la gueule d'un autre…
Bref, c'est là que j'ai perdu mon innocence...
Mais pourquoi qui nous cause de tout ça s'con là ?
Ben hier, on était dans un parc, dans un quartier zone de Marseille (vraiment, c'est la misère et la mise à l'index par la mairie). Des tas de minots jouaient à l'eau, dont mon Doudou. Surexcité
comme pas deux, il arrosait tout le monde (même ceux qu'en avaient pas envie). L'ambiance globale était tendue mais pas électrique...
Soudain, je vois un môme qui voulait rester sec, se lever sèchement et asséner une double droite au visage de Zéphir. Ce dernier ne pleurait même pas tout de suite, tellement il était étonné. Je
le voyais juste perdu et apeuré.
Autant les baffes, les griffures et les morsures sont des gestes d'enfant de quatre ans. Autant le coup de poing en pleine gueule j'suis pas sûr...
Cherchant l'autre gamin des yeux, je vis surtout dans son regard ce que j'avais souvent vu dans celui des petites racailles de mon époque. Me voyant arriver, il tapait un délit de fuite. Je
préférais réconforter mon Doudou plutôt que… Je sais même pas quoi !
Triste pour mon fils, je comprenais le goût de l'injustice de s'être fait défoncer la tronche pour rien… Peut-être j'en fais des caisses, ou peut être tout ceci a ré-ouvert des vieilles
blessures, toujours est-il que je quittais le parc avec un sale goût dans la bouche...