Avant d'être un père de famille anarcho-psychotique à Marseille, j'ai été un snipper du web à la keuponite attardée à Paris.
Comme tout « j'ennairienhnafout'chid'dans », je gueulais sur Babylone et la laissait me nourrir tout en l'entretenant.
À cette période, j'étais le graphiste webmaster de la société Vitalia. Une espèce de montage financier ricain visant l'OPA sur la chirurgie privée française. En gros, ça signifie rachat du maximum de cliniques de France et de Navarre avec optimisation des coûts et toutes les conséquences que ça entraine : fermeture de services, trains de licenciements, déshumanisation, ...
Un jour, je devais mettre au point de nombreux éléments fondamentaux pour le projet. C'était réunions à gogo au siège social.... Je passais près de 5 heures autour de différentes tables rondes à me machouiller le rachi avec une bonne dizaine de personnes.
Ma passion pour la déconnophilie devait être mise entre parenthèse pendant ce genre de réunion : y'a de la cravate, ça parle de millions d'euros et ça écrit sur du paper board ... Alors, on ne déconne pas !
Je me tenais méchamment sur mes gardes et surveillais ma bouche de tous mes yeux ...
Quand tout était fini, je re-sortais comme un boxer vainqueur aux poings : encore debout mais groggy. Je longeais les cloisons mobiles de l'open space avec la responsable web. J'avais l'impression d'étouffer. Comme si le vrai Fred suffoquait de ne pas être apparu depuis plusieurs heures.
Approchant de son bureau, nous entendions une voix connue : « hey vennez ! J'ai un truc à vous montrer ! ».
ça venait du bureau du directeur du marketing de la boite (et aussi numéro 3 de la dite boite). Une fois à l'interieur, je le saluais et jettais un oeil circulaire à la pièce. Il y avait en plus le DC (directeur de créa et responsable de l'image de la boite), le DAF (directeur financier, n°2). Putain, du beau monde !
Le directeur du marketing nous lançait avec un grand sourire sur le visage : « écoutez moi ça ! » et lançait un son sur son PC. J'écoutais le morceau, encore complétement à l'ouest.
« Alors ? »
Et là, généralement, une personne normalement constituée, réfléchit et dit un truc chouette. Pas moi ! J'étais en manque de déconne comme un toxico sans came. Sans aucun filtre entre mon cerveau et ma bouche, je sortais la première chose qui me passait par la tête : « C'est marrant, on dirait une musique de film de cul allemand des années 70 ! .... »
« C'est la nouvelle musique de la boite .... »
Je voyais la machoire du directeur marketing se décrocher, le DC s'évanouir et le Daf convulser dans un bruit de verre brisé ... C'était la consternation générale ...
De mon côté, j'hésitais entre « pourquoi tu fermes jamais ta gueule » et « t'es trop fort mon Fred ... ».
Une fois que j'avais ranimé tout le monde, je quittais la boite entre fard et ricanement, et même pas pour la dernière fois ... Je suis vraiment le plus fort !